Analyse rapport Gallois pour la compétitivité

19/11/2012 15:27

Rapport Gallois : Analyse en termes de Logistique et Gestion Industrielle « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française »

 

 

 

Le rapport dit « Gallois » sur un « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française » nous donne l’occasion de revenir sur quelques éléments de logistique et de gestion industrielle en dehors de tout esprit politique partisan.

 

Après avoir fait un état des lieux sévère sur la compétitivité de l’industrie français qui « régresse depuis 10 ans (...) notamment par rapport à l’Allemagne, mais aussi par rapport à la Suède ou l’Italie », le rapport dégage trois axes principaux qu’on retrouve dans les problématiques de stratégie industrielle :

-          Problème de positionnement des produits français sur le marché international

-          Des handicaps en matière d’investissement, innovation et formation

-          Collaboration insuffisante entre les entreprises

 

1- Problème de positionnement des produits français sur le marché international

 

La problématique principale qu’on trouve dans ce rapport concerne le positionnement des produits français par rapport à nos voisins européens et autres concurrents internationaux :

«  L’industrie française n’a pas une spécialisation internationale sectorielle très différente de

celle de l’Allemagne. Mais hormis certaines niches, elle est plutôt positionnée, à la différence

de son concurrent d’Outre-Rhin, sur le milieu de gamme en matière de qualité et d’innovation.

Elle a peu de facteurs différenciants et elle est de ce fait très exposée à la concurrence par les prix alors même que ses coûts sont relativement élevés – à l’exception du coût de l’énergie »

 

Certes les problèmes de coût ont focalisé l’attention politique et médiatique. Beaucoup a été dit et il est compliqué d’approfondir sans tomber dans le débat politique. Mais si les problématiques de coût ont leur importance, il ne faut surtout pas négliger l’autre aspect qui concerne la montée de gamme en matière de qualité et d’innovation.

Choisir de se concentrer uniquement sur les problèmes de coût reviendrait à vouloir lutter sur un marché de milieu voire de bas de gamme et donc de concurrencer les pays émergents sur leur point fort actuel. Cette stratégie est pour le moins périlleuse et offre peu de perspectives sauf à changer radicalement notre mode de vie.

 

Profiter des coûts relativement bas de l’énergie ne saurait non plus être considéré comme un avantage pérenne tant les problématiques écologiques sont de plus en plus présentes dans notre société et dans l’esprit des consommateurs. Il y  a fort à parier que les coûts de l’énergie sont amenés à fortement augmenter à moyen terme ce qui risque de remettre en cause certaines politiques de transports (voire même de délocalisation) sauf à ce que les sources d’énergie alternatives puissent prendre le relai.

 

Cela nous rappelle qu’en stratégie industrielle, plus on se positionne sur un marché à fort degré d’innovation et de qualité et moins la notion de prix (et donc de coût) a son importance. Intuitivement, on sent bien quand on choisit d’acheter une grosse berline allemande, ce ne sera pas vraiment pour une question de prix mais clairement pour le produit en lui-même.

 

Ce qu’on peut retenir en terme de Gestion Industrielle c’est qu’il faut bâtir une stratégie cohérente. Le positionnement des produits doit être adapté aux contraintes de coût.

Si le coût / le prix sont des contraintes difficilement surmontables, alors il va être difficile de se positionner sur un secteur de milieu et bas de gamme. Il va falloir chercher à se spécialiser, améliorer la qualité, innover, des termes qui sont chers aux professionnels de la logistique.

D’ailleurs si le rapport fait des préconisations en termes de coût (encore qu’on ne parle que du coût de la main d’œuvre), il y est fortement suggérer de changer de segment et un positionnement sur le haut de gamme.

 

 

 

 

2- Des handicaps en matière d’investissement, innovation et formation

 

Vouloir lutter sur les prix en détruisant sa marge, c’est mettre en péril la capacité d’innovation, de formation et d’amélioration des produits. On le voit bien, il s’agit d’une stratégie qui n’est pas tenable dans le temps et qui a pour impact de ramener le positionnement des produits vers le bas de gamme tout en limitant la productivité :

« La productivité globale des facteurs n’a pas progressé en France au cours de la dernière décennie du fait de l’insuffisance d’investissements de productivité (l’équipement numérique des entreprises et la robotisation sont clairement en retard) et d’innovation dans le processus de production »

 

Le rapport insiste donc lourdement sur les besoins d’investissement des industries françaises.

Les aides envisagées pour les entreprises sont intéressantes, surtout avec les difficultés de financement que connaissent les entreprises industrielles, mais on peut regretter qu’il ne soit pas plus fait mention de la maturité de la gestion industrielle.

Par exemple, quand on connaît le faible taux d’autofinancement des entreprises françaises et qu’on voit le coût élevé de l’argent on peut difficilement ignorer le poids des stocks dans l’actifs. Travailler à la réduction des stocks en conservant l’activité permet de libérer de la capacité d’investissement sans impacter le coût financier pour l’entreprise. Le poids des stocks dans l’actif n’est évidemment qu’un exemple parmi l’ensemble des possibilités qu’offre une meilleure maîtrise industrielle, mais il illustre parfaitement combien ces sujets peuvent apporter en compétitivité.

 

Sur les moyens de monter en gamme, le rapport a raison de mentionner «  les entreprises françaises ont perdu du terrain sur les facteurs « hors prix » –innovation, qualité, service ».

Mais il aurait peut-être été aussi pertinent de noter qu’une professionnalisation de la fonction logistique permettrait justement de répondre à cette problématique et d’améliorer tout ensemble la qualité et le service.

Les faiblesses en termes de maturités industrielles et de professionnalisation de la fonction logistique pourraient être palliées par de la formation continue sans négliger la formation initiale.

 

On peut regretter la dispersion des formations logistiques et des associations professionnelles qui permettraient de promouvoir les formations. A quand une déclinaison Française ou Européenne de l’APICS ?

La « logistique » étant déjà un terme dont on peine à donner une définition généralement acceptée, on mesure le chemin qui reste à parcourir et combien une impulsion pourrait être bénéfique.

Comme il est souligné : « l’Éducation est à la base de la compétitivité d’un pays. Elle mérite une priorité absolue. La première concerne le développement de formations qualifiantes et diplômantes »

 

Pour les professionnels des projets d’amélioration, on pourra aussi se souvenir des concepts Lean qui font déjà de la formation un axe essentiel d’amélioration. (Même si ce n’est pas toujours appliqué comme tel).

Comme dans un projet Lean, il faut parfois changer les mentalités et les dogmes. Mais cela offre des perspectives d’évolution :

« Cela suppose que l’on aille à contre-courant d’une évolution historique vers le raccourcissement des périodes de formation, celle-ci étant de plus en plus focalisées sur l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de moins en moins sur le développement de leurs capacités. »

 

3- Collaboration insuffisante entre les entreprises

 

Entre professionnels de la logistique, nous échangeons souvent sur les processus permettant une meilleure collaboration comme le S&OP (Sales and Operations Planning). Cela est malheureusement plus souvent issu des « bonnes pratiques industrielles » ou de notre expérience internationale plutôt que de notre expérience de ce qui est pratiqué en France.

Cela ne surprendra donc aucun professionnel que le rapport pointe du doigt l’insuffisance de « la structuration et de la solidarité industrielle » :

« En économie de marché, il est normal que les entreprises ne puissent se faire des cadeaux entre elles, mais elles peuvent reconnaître des intérêts communs et collaborer. Elles ne le font pas suffisamment en France à la différence, là aussi, de l’Allemagne ou de l’Italie. Toutes les entreprises qui fournissent des groupes français et des groupes américains ou allemands disent constater la différence.

Les filières, sauf exception, ne fonctionnent pas comme telles : les relations entre les grands donneurs d’ordre, leurs fournisseurs et les sous-traitants sont souvent dégradées, en tous cas, insuffisamment explicitées et organisées ; elles n’identifient pas les intérêts communs. »

 

Même si la prise de conscience de cet état est déjà une première étape pour son changement, on sait que les choses n’évolueront pas du jour au lendemain tant le changement doit s’inscrire en profondeur dans l’état d’esprit de nombreuses personnes. Cela accroît encore l’intérêt de renforcer les formations et les associations professionnelles pour propager ces idées.

On pourrait espérer que l’état via les collectivités et les groupes publics soient un modèle de collaboration tant on sait qu’en France ils font figure de grands donneurs d’ordre mais cela n’exempte pas chacun de mettre chaque jour un plus la collaboration au centre de ses attentions.

 

 

Si certains pourraient avoir tendance à l’oublier, le rapport Gallois nous donne l’illustration parfaite qu’une stratégie industrielle doit être basée sur un bon positionnement des produits, une recherche constante de l’innovation et de l’amélioration, et d’une collaboration avec nos différents partenaires. A bon entendeur…

 

 

Bertrand GODDE, CPIM, Consultant en Logistique et Gestion Industrielle

Vous pouvez contacter l’auteur à l’adresse bertrand.godde@chrymelie.fr